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Reflexions sur la raison d’être humaine par Jacqueline Roux Existe-t-il un Créateur?D’où peut donc provenir cette création si riche, si diverse, si complexe ? La plus infime molécule ? Et la colossale énergie à l’origine de l’univers ? Combien de scientifiques, de philosophes, se sont interrogés… Ce qui paraît logique pour les uns ne l’est pas nécessairement pour les autres. Ce qui semble irréfutable pour certains est fort loin d’entraîner la conviction de tous. Croire en un Dieu, ne pas y croire, fut toujours le dilemme de la race humaine. La plupart des philosophes s’accordent pour dire que si l’on ne peut rationnellement démontrer l’existence de Dieu, l’on ne peut, à l’inverse, démontrer son inexistence. Ainsi, Leibniz parle d’une preuve indirecte : « Si l’être nécessaire à la création était impossible, les êtres contingents le seraient aussi ; or, nous sommes là, donc possibles ; en conséquence, l’être nécessaire est possible. » Il y a donc, pour lui, présomption en faveur de cette possibilité ; encore faut-il pouvoir le démontrer. Pour ce faire, Kant, commente Bernard Sève dans son ouvrage « La Question philosophique de l’existence de Dieu », procède à un raisonnement par l’absurde : que se passerait-il si nous pouvions démontrer l’existence de Dieu ? « Tout se passerait comme si nous avions sans cesse Dieu sous nos yeux. Nous n’aurions pas la possibilité de former une intention morale : la présence terrifiante et fascinante de Dieu nous ferait agir par crainte (de son châtiment) ; dans le meilleur des cas par espérance (de son amour) ; dans tous les cas, nous serions obligés de respecter extérieurement la loi dans nos actions, sans que notre cœur ait pu se déterminer intérieurement par rapport à la loi : jamais nous ne pourrions agir par pur respect du devoir. Il n’y aurait plus de vie morale, c’est-à-dire de lutte entre le devoir et les inclinations : tout serait joué d’avance. (...) La conduite des hommes serait un “pur mécanisme”, un jeu de marionnettes. Le mécanisme, c’est le contraire de la liberté : la connaissance certaine de l’existence de Dieu ôterait toute liberté. » Du point de vue purement rationnel, la question de l’existence de Dieu serait insoluble, puisque la plupart s’accordent pour dire que l’on ne peut prouver ni son existence ni son contraire. Néanmoins, constate Kant, le criminel, croyant ou incroyant, sait qu’il est criminel. D’où vient donc ce “sens moral” ? A quoi cela peut-il nous servir si, venant du néant, portés par l’évolution, nous devions, en tant qu’individus, y retourner ? Je fais mienne la pensée de tout véritable philosophe qu’il est de notre dignité d’humain de continuer à nous poser les questions fondamentales pouvant engager les dialogues essentiels, quelles que soient nos divergences. Qui suis-je ? Que puis-je ? Que sont les autres pour moi ? Y-a-t-il un but à notre existence ? Vouloir de tout cœur trouver réponses à ces questions, ne serait-ce pas les prémices d’une harmonisation entre nous ? Quelle évolution de la pensée pouvons-nous produire si nous ne savons écouter l’autre pour entendre ce qu’il veut exprimer ? Si nous demeurons étrangers les uns aux autres, si nous nous enfermons dans un cercle avec ceux qui semblent penser de façon similaire, nous continuerons à établir des clans, des tribus, qui, depuis la nuit des temps, se sont toujours opposés, sans aucun bénéfice pour quiconque. Il est donc important d’effacer en soi toute notion de pouvoir sur l’autre. Nul ne doit imposer ses idées, sous peine de stérilité intellectuelle et affective. C’est notre comportement de bien, de droiture, de générosité, d’ouverture à l’autre, qui peut nous ouvrir à une nouvelle pensée. Pour y parvenir, la simplicité me paraît la qualité essentielle. Que vient faire ici la simplicité, me direz-vous ? Ne serait-elle pas le moyen de s’interdire de croire posséder la vérité ? N’est-ce pas cette croyance qui sécrète le sectarisme, donc l’immobilisme, voire la régression de l’intelligence des comportements ? Il ne s’agit pas d’affirmer une idée mais de vouloir tout mettre en œuvre pour donner les preuves pratiques de sa véracité. L’essentiel est de ne jamais se murer dans des certitudes, mais vouloir sans cesse faire évoluer sa pensée. La science n’aurait-elle pas là un rôle à jouer ? Ainsi le naturaliste Pierre Teilhard de Chardin écrivit, dans son dernier livre « Le phénomène humain » : « …Et maintenant comme un germe de dimension planétaire, la nappe pensante qui, sur toute son étendue, développe et entrecroise ses fibres, non pour les confondre et les neutraliser, mais pour les renforcer, en l’unité vivante d’un seul tissu… Positivement, je ne vois pas d’autre façon cohérente, et partant scientifique, de grouper cette immense succession de faits, que d’interpréter dans le sens d’une gigantesque opération psycho-biologique – comme une sorte de méga-synthèse – le “super-arrangement” auquel tous les éléments pensants de la Terre se trouvent aujourd’hui individuellement et collectivement soumis. (…) Toujours plus de Complexité, et donc encore plus de Conscience. L’issue du Monde, les portes de l’Avenir, l’entrée dans le Super-Humain… ne cèderont qu’à une poussée de tous ensemble, dans une direction où tous ensemble – fût-ce sous l’influence et la conduite de quelques-uns seulement – peuvent se rejoindre et s’achever dans une rénovation spirituelle de la Terre – rénovation dont il s’agit maintenant de préciser les allures, et de méditer le degré physique de réalité. » Il décrit ainsi, d’une façon magistrale, la possible montée de la conscience universelle, la naissance de l’Humain… Citons également une phrase d’Albert Einstein extraite de « Comment je vois le monde » : « La religiosité du savant consiste à s’étonner, à s’extasier devant l’harmonie des lois de la nature, dévoilant une intelligence si supérieure que toutes les pensées humaines et toute leur ingéniosité ne peuvent révéler, face à elles, que leur néant dérisoire. » Prodigieuse, en effet, la complexité du monde vivant ! Aujourd’hui, l’astro-physicien Stephen Hawking émet ce postulat : « Tant que l’univers aura un commencement nous pouvons supposer qu’il a eu un créateur. » La théorie du “big-bang” semble l’étayer. Or, si nous cheminons avec la pensée de ceux qui ne croient pas en un Créateur, la quête paraît achevée avant d’avoir débuté puisque, comme l’exprime Michel Onfray : « Nous allons mourir, c’est la seule certitude que nous ayons vraiment. Nous provenons d’un néant vers lequel nous courons ; mais » – intéressant paradoxe – « entre ces deux néants, il y a place pour une existence à styliser : tracer dans la voie lactée quelque chose qui ressemblerait au passage d’une comète. » |
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